Christine Lagarde a une fois de plus mis en
garde le monde occidental des risques de tempête économique et financière qui
s’amoncellent sur la planète. Sous-entendu : "il va être
urgent de réagir !".
Lancer de telles alertes d’un air grave et dans un anglais parfait
doit constituer l’essentiel de son job.
Christine Lagarde intervenait hier devant le World
Gouvernements Summit, c’est un sommet annuel sur la gouvernance
mondiale où se réunissent à Dubaï des décideurs
politiques et économiques du monde entier.
En gros, étaient là une bonne partie de ceux qui participent
au World Economic Forum de Davos en Suisse.
C’était fin janvier et Christine Lagarde était déjà intervenue pour prévenir
des risques que courrait l’économie mondiale, en mettant l‘accent sur les
disfonctionnements structurels liés au creusement des inégalités et du
protectionnisme.
Dans quelques jours, la directrice du FMI sera
à Washington, siège de l’organisation pour y signer une pile de parafeurs, et
repartira sans doute en Asie ou ailleurs pour faire part de ses inquiétudes à
d’autres. C’est son job, et de l’avis de tous ceux qui
fréquentent l’institution internationale, elle le fait plutôt bien.
Cela dit, on ne peut pas s’empêcher de s’interroger sur l’utilité de cette
institution que Christine Lagarde incarne sans doute
beaucoup mieux que son prédécesseur. Du moins, elle soulève moins de commendataires
sarcastiques.
Ne soyons pas trop sévère, ces mises en garde ne sont pas
inutiles. Compte tenu de l'armada d’économistes qui analysent la
situation mondiale et son évolution, les diagnostics que Christine Lagarde
porte sont plutôt crédibles. Et si ces prévisions ne se réalisent pas toujours,
c’est que son travail a été écouté par les gouvernements ou les marchés. Ce qui
sort du FMI a donc indéniablement un rôle dissuasif ou correctif.
Pour la deuxième fois en très peu de temps, Christine Lagarde est
revenue sur les sujets qui fâchent et qui sont de nature à déséquilibrer la
situation économique mondiale. Elle retient quatre séries de facteurs
inquiétants et pour ceux qui savent décrypter la langue du FMI, cet éclairage
n’arrive pas par hasard.
Le
premier sujet d’inquiétude est alimenté par les tensions commerciales notamment
entre la Chine et les Etats-Unis. Cette mise en garde est
publiée à la veille de la rencontre entre les dirigeants américains et chinois
pour essayer de prolonger ou d’alléger le dispositif de limitation ou de
rééquilibrage des échanges commerciaux. La mise en garde s’adresse aussi bien
aux dirigeants chinois qu’aux dirigeants américains, même si le FMI ne peut pas
s’opposer au projet US de résorber une partie de son déficit commercial avec
les pays émergents. Ce qui perturbe le FMI, c’est que la tentation
protectionniste des grands pays occidentaux pour s’affranchir de la dépendance
dans laquelle ils se retrouvent avec les émergents va à l'encontre des projets
et des objectifs du FMI, qui a toujours été de favoriser le commerce mondial. Pour
le FMI, le commerce mondial est non seulement un facteur de progrès mais aussi
un facteur de paix. Or, pour le FMI, les tensions
commerciales entre la Chine et les Etats-Unis ont
déjà commencé à affecter l‘économie mondiale.
Le
deuxième sujet d’inquiétude tient au ralentissement de la croissance chinoise. C’est
ce ralentissement qui tire à la baisse le prix du pétrole et des matières
premières. C’est ce ralentissement qui freine l'ensemble de l’économie
mondiale. Or le monde a besoin d’une croissance forte pour diffuser le progrès
à des populations qui se retrouvent à l’écart du développement. Le monde
développé a besoin lui aussi de la croissance des émergents pour tirer sa
propre croissance.
Le
troisième sujet sur lequel Christine Lagarde veut interpeller les gouvernances
occidentales porte sur le resserrement des taux d‘emprunt qui intervient au
moment où les gouvernements, les entreprises et les
ménages ont accumulé des dettes extrêmement lourdes.
Enfin,
Christine Lagarde est venue prévenir, là encore une fois de plus, des
incertitudes liées au Brexit. Elle ne juge pas cette
décision politique, elle souligne le manque de préparation pour assurer la
transition et rappelle ce qu’est le dogme du FMI, favoriser le commerce mondial.
Les remarques de la directrice
générale du FMI sont intéressantes mais, outre l’aspect pédagogique qui n’est
pas fondamentalement nouveau, elle nous oblige à nous interroger
sur le rôle du FMI. Sans aucun autre pouvoir que celui du
verbe, de telles remontrances ont un impact assez réduit.
Le FMI
a été créé en 1945. C’est une institution internationale qui
regroupe 189 pays, et dont le but est de "promouvoir la coopération monétaire
internationale, garantir la stabilité financière, faciliter les échanges
internationaux, contribuer à un niveau élevé d’emploi, à la stabilité
économique et faire reculer la pauvreté".
Concrètement, le FMI a donc pour fonction d'assurer la
stabilité monétaire et financière et de gérer les crises provoquées par un
déficit devenu insupportable. Quand un pays fait défaut, le
FMI lui fournit des crédits pour financer une situation qui met en péril
l'organisation gouvernementale du pays, la stabilité de son système financier
(banques, marchés financiers) ou les flux d'échanges avec le reste du monde. Le
FMI prête de l’argent le temps que la confiance revienne. Alors il met des
conditions de réformes structurelles propres à redresser la situation. Après
1976 et la disparition d’un système de change fixe, le FMI a perdu l'essentiel
de sa raison d'être et se consacrera aux problèmes d'endettement des pays en
développement.
Sauf
que la mondialisation à la fin du siècle dernier a ouvert ces pays aux fonds
d’investissements internationaux. Par ailleurs, le FMI a vu ses ressources baisser.
Depuis, le FMI exerce un rôle de superviseur de la
politique économique des pays qui sont membres de l’OMC, mais comme
le FMI a peu de moyens coercitifs, son influence a beaucoup baissé.
Actuellement, le FMI n’a aucun pouvoir pour s’immiscer dans la politique américaine qui diffuse la musique protectionniste dans le monde. Le FMI doit d’ailleurs être très prudent dans ses analyses et sa communication publique parce que les Etats–Unis sont les premiers contributeurs financiers au FMI et le moins que l’on puisse dire, c’est que Donald Trump n’aurait aucun mal à couper les vivres de l’institution.
Actuellement, le FMI n’a aucun pouvoir pour s’immiscer dans la politique américaine qui diffuse la musique protectionniste dans le monde. Le FMI doit d’ailleurs être très prudent dans ses analyses et sa communication publique parce que les Etats–Unis sont les premiers contributeurs financiers au FMI et le moins que l’on puisse dire, c’est que Donald Trump n’aurait aucun mal à couper les vivres de l’institution.
A
priori, Christine Lagarde n’a pas reçu de tweets menaçants ou ironiques du
président des Etats-Unis, c’est quand même la preuve de
sa très grande habileté.
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