Ren Zhengfei, fondateur du mastodonte chinois des télécoms Huawei, compare son groupe à un loup acharné ne lâchant
jamais sa proie: quasi-banni des Etats-Unis, Huawei vient de détrôner Apple comme numéro deux mondial des smartphones et défie
ouvertement le leader planétaire Samsung.
Depuis
2010, le californien Apple et le sud-coréen Samsung se disputent âprement les deux
premières marches du podium des meilleures vendeurs de smartphones à l’échelle
du globe.
Mais
le duopole s’est vu bousculé au deuxième trimestre par Huawei: le chinois a
écoulé 54,2 millions de téléphones (15% du marché mondial), selon le cabinet IDC, devançant les 41,3 millions d’iPhones vendus par
Apple. Samsung reste largement en tête (71,5 millions d’unités).
Quasiment
privé d’accès au crucial marché américain, Huawei propose des smartphones
premium en Europe, tout en
adaptant sa gamme aux marchés en développement.
"Il y a une amélioration grandissante de l’image
et de la reconnaissance de la marque Huawei. Il se différencie et positionne
ses produits sur tout le spectre des gammes et prix", observe Tarun Pathak, expert du cabinet
Ex-ingénieur
de l’armée chinoise, M. Ren, 73 ans aujourd’hui, a fondé Huawei en 1987 avec
quelques milliers de dollars, se concentrant sur les technologies de réseaux
télécoms, jusqu’à en faire un leader mondial des équipementiers, pionnier
reconnu de la 5G.
L’entreprise
s’est dotée d’une branche téléphones mobiles en 2003, avec un succès fulgurant
d’abord en Chine puis ailleurs en Asie. Avant d’afficher ses ambitions en Europe, où il
s’arroge environ 10% du marché (contre 25%-30% pour Apple et Samsung): après
des présentations à Londres et Barcelone, le groupe chinois a lancé en mars à Paris son nouveau modèle P20
Numéro un en 2019?
Son
atout: des smartphones à grand écran équipés d’une mémoire d’une capacité
inédite et d’un puissant capteur-photo jusque 40 mégapixels développé avec
l’allemand Leica pour un prix de lancement de 650 à 900 euros.
Huawei
connaît en revanche un échec cuisant aux Etats-Unis, où le passé militaire de
son fondateur avive les suspicions d’espionnage: le groupe s’est vu bannir de
projets d’infrastructures américains pour des raisons invoquées de sécurité
nationale.
En
début d’année, Huawei a également vu les opérateurs américains AT&T et Verizon, puis le distributeur électronique BestBuy, renoncer à proposer ses smartphones, sur fond de
vives pressions du Congrès.
Le
groupe de Shenzhen nie
farouchement tout lien avec le régime de Pékin.
Dans
ce contexte, "l’importance du dépassement d’Apple par Huawei ne peut être
sous-estimée", insiste Ben Stanton, expert du cabinet Canalys. "L’exclusion des Etats-Unis
l’a obligé à travailler plus dur encore en Asie et en Europe".
Avec
des stratégies différenciées: en Indonésie, Arabie saoudite, Afrique du Sud, Huawei propose désormais des modèles
technologiquement sophistiqués mais à des prix nettement plus abordables.
Avec
l’idée que, quand les consommateurs de ces marchés monteront en gamme, ils
resteront dans l' écosystème Huawei.
Fort de cette stratégie, Huawei
devrait surpasser en 2018 son objectif de 200 millions de téléphones vendus,
seuil annuel que seul Samsung avait atteint jusqu’alors. Et "il
est fort possible que nous soyons numéro un au quatrième trimestre 2019"
devant Samsung, a martelé vendredi Richard Yu, patron de la branche.
Défi 5G
Huawei
produit lui-même ses composants-clefs, ce qui le préserve du sort de ZTE, l’autre géant chinois des télécoms, dépendant de
composants américains et victime de restrictions par l’administration Trump.
Mais
à long terme, l’absence des Etats-Unis pourrait plomber Huawei: des experts
estiment d’ailleurs que le lancement prochain par Apple de nouveaux modèles
devrait permettre au groupe à la pomme de retrouver son deuxième rang.
Dépasser
Samsung s’annonce compliqué: "Plus vous montez en gamme, plus les fonctionnalités,
l’innovation, les attentes des clients augmentent drastiquement",
prévient Tarun Pathak.
Conscient
du défi, Huawei a gonflé de 17% l’an dernier ses dépenses en recherche et
développement, à 11,6 milliards d’euros,
soit 15% de ses revenus, approchant le montant des dépenses R&D des américains Amazon et Alphabet.
Les
performances des capteurs-photo et le test crucial des téléphones 5G à venir scelleront
son sort face à Apple et Samsung, glisse M. Pathak. Reste aussi à résister à
l’essoufflement d’un marché mondial saturé, ainsi qu’à une concurrence
exacerbée en Chine, son principal marché, où l’affrontent ses rivaux locaux: Xiaomi et les nouveaux-venus Oppo et Vivo.
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