Au cœur de l'été, Paris vit au ralenti.
Mais en ce mois d'août, ce n'est pas le cas pour quelques centaines de jeunes
gens, entrés dans la troisième semaine d'un marathon pour tenter d'intégrer une
école d'un genre nouveau, l'école 42.
Cette école de codage informatique
gratuite a été créée par le milliardaire français des télécoms Xavier Niel
en 2013 pour aider les jeunes à trouver du travail ou, mieux encore, à devenir
leur propre patron. Elle tire son nom du roman "Le guide du voyageur galactique" de Douglas Adam, dans
lequel l'ordinateur donne comme réponse à "la grande question de la vie,
l'univers et tout" : "42".
L'établissement a connu un succès
fulgurant. Environ 40.000 apprentis développeurs postulent chaque année. Mais
seuls 3.000 se disputeront le millier de places disponibles, à travers la
session de tests de quatre semaines baptisée la "piscine", organisée dans un immeuble ultra-moderne.
Pendant "la piscine", l'immersion est totale : les candidats
consacrent de 10 à 16 heures par jour aux épreuves et à des projets. Certains,
comme Aristide
Rivet-Tissot, dorment et se lavent sur place...
"Ici,
tu es tellement immergé que tu oublies parfois que le monde extérieur
existe!",
dit à l'AFP
ce postulant de 19 ans, tout en saluant ses parents venus de province, qui
emportent son linge sale.
- Décrocheurs bienvenus -
Lorsque Xavier Niel avait annoncé son
projet d'école gratuite, sans enseignants et ouverte aussi aux décrocheurs, 40%
des étudiants ne possèdent pas le baccalauréat, la principale fédération des
employeurs du secteur des technologies de l'information avait réagi avec
circonspection, pointant le nombre d'écoles d'ingénieurs existant déjà.
Six ans plus tard, cet établissement
d'autoformation, entièrement basée sur le travail sur projet et l’apprentissage
entre pairs, s'enorgueillit d'un taux d’emploi de 100% parmi ses diplômés.
Désormais, Niel, qui a créé le plus grand
incubateur de start-up au monde à Paris en 2017, exporte son modèle.
Après avoir fondé une université sœur dans
la Silicon
Valley en 2016 et entamé différents partenariats en Europe, il vise Rio de Janeiro,
Novosibirsk,
Tokyo...
Le but : 20 écoles partenaires dans 14 pays d'ici à 2020.
- 75.000 emplois non occupés -
L’an dernier, une enquête menée par
l’agence française de l'emploi avait révélé plus de 75.000 postes vacants dans
le secteur des technologies de l’information. De fait, bon nombre d'étudiants
sont démarchés par des chasseurs de tête avant même d'avoir achevé leur cursus,
de trois ans en moyenne.
Bastien Botella, 33 ans, cofondateur de Clevy, une
start-up qui développe des chatbots, a quitté "42" après seulement le
premier tiers de la formation, pour un travail de concepteur de sites internet.
Cet ancien directeur d'hôtel, non bachelier, avait précédemment été refusé par
plusieurs écoles d'informatique classiques.
"42
a été un tournant dans ma vie", dit celui qui emploie aujourd'hui 21
personnes, dont 6 anciens de "42".
- Le numérique, ascenseur social -
L’approche inclusive est souvent saluée
alors que diverses études internationales, notamment Pisa, montrent qu'en
France, plus qu'ailleurs, les inégalités sociales pèsent sur les résultats des
élèves.
"Le
secteur numérique (...) permet l'ascenseur social. Vous avez des personnes
d'horizons très, très, variés", souligne la directrice Sophie Viger.
Pendant "la piscine", penchés vers les écrans de 27 pouces les
visages sont blancs, noirs, bruns... A l'école 42, il y a aussi des femmes
voilées comme Fatia Zementzali, 31 ans, qui explique avoir postulé après avoir
été licenciée d'un poste de vendeuse par téléphone parce qu'elle portait un
foulard musulman. Ici, elle dit se sentir "accueillie", pas réduite à
une image de "femme voilée".
Bien que non reconnu par l'État, le
programme avait notamment été salué en 2015 par Emmanuel Macron, alors ministre des
Finances : l'école "introduit
l’innovation jusque dans l’éducation – c’est ce dont nous avons besoin et c’est
formidable !".
Mais elle n’a pas été épargnée par la
controverse. En 2017, la presse avait fait état d'accusations de harcèlement
sexuel et de misogynie sur le site parisien et plusieurs étudiants avaient été
sanctionnés.
Et l'année dernière, la commission
nationale Informatique et Liberté l'a fustigée pour une "surveillance vidéo excessive". Un problème réglé, selon
Sophie Viger.
Source : l'AFP.
Source : l'AFP.
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