jeudi 16 janvier 2020

Je m'appelle Yan et ceci est mon histoire.

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J'ai 30 ans, je vis les dernières heures de ma vie. Comme tous les jeunes, j'aspirais au meilleur pour ma vie. Né dans une famille catholique et pratiquante, j'ai connu les dix commandements dès mon plus jeune âge. J'allais à l'église tous les dimanches avec mes parents et mes frères. Deuxième dans une fratrie de cinq enfants, j'ai connu tôt le sens de la responsabilité. J'ai même voulu devenir prêtre, c'est ma mère qui m'a découragé. Elle ne voulait pas de cette vie pour son fils. Elle voulait que je forme ma famille plus tard. Je me contentais donc de servir le seigneur et de vivre ma foi.
Mes parents se sont littéralement saignés pour nous. Mon père, pauvre maçon, trimait jour et nuit sous la pluie et le soleil pour remplir la table et nous envoyer à l'école. Ma mère était femme au foyer. Son rôle n'était pas moindre car elle maintenait la cohésion familiale.
Nous étions pauvres mais l'amour régnait à la maison. J'étais un élève très brillant et intelligent. J'ai eu mon baccalauréat avec une mention très Bien. Mes parents étaient fiers de moi. Je me voyais déjà devenir quelqu'un d'important. J'avais un rêve. Un rêve ancré en moi. Je voulais devenir magistrat. Ne me demandez pas pourquoi mais c'était mon rêve.
Je me voyais réussir à un grand concours professionnel de magistrat dans ce pays et aider enfin ma famille.
Cette même année là, nous avions traversé un drame. Mon père est décédé sur un chantier. La dalle s'était écroulé sur lui.
C'était une catastrophe. Dur pour ma mère, dur pour nous. Ma mère ne savait plus quoi faire. Mon frère aîné avait abandonné les études depuis longtemps pour se consacrer à l'agriculture. Ce n'était pas rentable pour lui. Je voyais ma mère pleurer tous les soirs. Elle cherchait comment faire pour m'envoyer à l'Université. Je lui ai dit que je laissais tomber l'école pour un an, le temps de chercher l'argent pour ma scolarité. Elle a pleuré. Elle ne voulait pas. Mais je devais le faire.
Pendant un an, j'ai vendu du charbon, des sucettes, de la glace en passant par de l'eau glacée pour avoir assez d'argent et présenter mes dossiers pour un concours professionnel.
C'est sans surprise que j'ai eu mon admission dans une grande école du pays formant les hommes de loi. Il ne me restait plus que l'épreuve orale. Ma mère était si fière. Ses yeux brillaient. Elle voyait déjà son fils arborer la toge des magistrats. C'était extraordinaire.
Je me suis rendu à l'oral confiant. J'étais un ordinateur ambulant. Aucun sujet ne m' échappait.
Je suis tombé des nues lorsque à peine entré, le premier membre du jury m'a demandé
----- Qui est ton parrain ?
Ils étaient six qui me faisaient face. Je ne comprenais pas la question. Son voisin a répété en anglais.
J'avais tout compris mais pas le sens
---- Je n'ai aucun parrain..
--- Ok...à l'année prochaine.
Et C'était tout. Je n'en croyais pas mes yeux. À peine une minute, le temps pris pour sceller mon destin. Je perdais ainsi mes illusions.
Je suis parti de là amère et en colère contre tout un système qui n'avait condamné sans m'écouter..
Je n'ai pas eu le courage de dire à ma mère que je n'avais pas eu le concours. Je suis resté en ville errer.
J'ai commencé à faire la moto pour survivre. J'ai essayé d'autres examens mais je n'avais pas le coeur à ça. Je voulais devenir magistrat. C'était mon rêve.
J'ai laissé tomber l'oral dans une école pour devenir enseignant. Ils m'ont dit
---- Que cherches tu à devenir ?
---- Magistrat
Surpris ils m'ont regardé
--- Ici, on forme les enseignants de géographie
---- Je sais. Vous m'aviez posé une question et j'ai répondu.
J'ai raté l'oral. Ceci ne m' inquiétait nullement car j'avais décidé de retenter ma chance pour le concours de magistrat.
Ceci me prendra des années.
J'ai commencé à fouiller un parrain. Où commencer ? Comment faire ? Je passais mes journées sur une moto, pas le temps de chercher dans la capitale. Et puis, y avait t il un marché pour trouver des parrains ? Et C'était quoi un parrain ? J'avais entendu ce mot plusieurs fois dans les film italiens parlant de la mafia. C'était quoi alors un parrain ?
Un jour, prenant mes aises dans un restaurant au centre ville, j'ai suivi une conversation intéressante. C'était deux hommes qui se vantaient des relations qu'ils avaient dans tous les ministères. J'ai pris mon courage à deux mains pour m'approcher
---- Excusez moi, pouvez vous m'aider ?
C'était audacieux de ma part. Ils m'ont dévisagé.
----- Sans le vouloir, je vous ai écoutés
----- Et...
----- Je voulais quelqu'un pour me guider...
Les deux hommes devaient avoir la trentaine. Je ne savais pas ce qu'ils faisaient là car ils étaient apparemment bien mis pour un milieu pareil.
L'un s'est frotté la main et m'a demandé de lui exposer mon problème. C'est ainsi que j'ai fait la connaissance de Martin et de Paul. Ils travaillaient dans un ministère de la ville mais pouvaient m'aider si je le désirais. J'avais 25 ans.
Martin m'a invité chez lui. J'y suis allé. Il était marié et avait deux enfants. Paul également mais lui m'avait pas encore d'enfants.
Ce soir là, nous étions tous les deux. Il m'a dit
---- Yan..je peux t'aider et plus encore. Mais en échange je désire une seule chose : ton derrière !
C'est difficile à décrire ma réaction. J'ai cru que j'avais mal entendu. C'est vrai que je n'étais pas si naïf. J'avais lu sur les réseaux sociaux, entendu à la radio..bref je savais ce que ça sous entendait.
J'ai crié au scandale, à la malchance. J'ai ramassé mes cliques et mes claques et je suis parti de là.
Je tremblais sur le chemin de retour. Je n'avais jamais su qu'une chose pareille m'arriverait à moi. C'était incroyable. Je pleurais comme un gamin. Je me suis rendu à l'église ce soir là pour prier. Je suis sorti plus confiant.....
.j'ai juré de changer de restaurant.
J'ai même oublié ce Martin et son acolyte. J'ai continué ma vie tranquillement. J'ai même eu des petites amies.
Trois ans plus tard, j'avais retenté ma chance au concours de magistrat, j'avais mon admission pour l'épreuve écrite. Je devais y aller encore pour l'oral. J’appréhendais ce moment, est ce que la scène vécue trois ans plus tôt allait se reproduire ? .
J'étais prêt physiquement et psychologiquement.
Je suis arrivé plus confiant.
Cette fois, juste deux hommes me faisaient face. Ils ont posé deux questions sur l'actualité. J'ai répondu brillamment. Ils m'ont dit d'aller attendre le résultat. J'ai commencé à sourire intérieurement. Enfin !
Mais la dernière phrase m'a fait bondir de la chaise
---- On attend un mot de votre parrain..
J'ai ouvert les yeux. Quel parrain encore ? De quoi parlaient ils ?
------ Oui..oui..oui...ai je répondu. Je le lui dirai. Je lui demanderai de vous contacter .
Je suis sorti en courant. J'ai pleuré tout au long du chemin jusqu'à chez moi.
L'histoire n'allait pas se répéter une seconde fois. Non...je ne le voulais plus.
Comme un fait express, je me suis retrouvé devant le restaurant où j'avais rencontré Martin des années auparavant. J'ai repensé à sa proposition de m'aider. Non, C'était fou. Je ne sais pas quel démon m'a habité à l'instant présent car je l'ai appelé. Il a décroché à la première sonnerie. Je croyais avoir supprimé son numéro depuis longtemps. Il n'était pas du tout surpris. Il m'a demandé ce qu'il pouvait faire pour moi comme si on s'était séparé la veille. Je lui ai parlé du concours. Il m'a dit ok, le problème sera résolu. Je savais ce que j'avais à faire. Il m'a invité pour un dîner le soir même.
J'étais perdu. J'étais désaxé. Je savais que ce que j'allais faire n'était pas bien mais je me disais que ça sera juste une fois et puis, personne ne le saura de toute façon.
Bien nerveux, j'étais présent ce soir là. J'ai à peine goûté à mon plat. Il me semblait plus joyeux et actif. Je me demandais ce que je faisais là. Non, ce n'était pas possible. J'ai été élevé avec de bonnes valeurs. Je ne dois pas être ici. J'ai esquissé le geste de m'en aller. Martin a dit
----- J'ai appelé le monsieur. Ton nom est déjà sur la liste des futurs magistrats de ce pays. Félicitations monsieur le magistrat.
À ces mots, mon coeur a commencé à battre la chamade. Quoi ? C'était aussi simple que ça ?
Maintenant je devais remplir ma part du contrat. Martin souriait comme un oiseau ayant attrapé sa proie.
Ce qui s'est passé après reste une scène à jamais gravé dans ma mémoire. Il avait loué une chambre d'hôtel, luxueuse. Je n'ai pas pris le temps d'apprécier le décor car je pensais à ce qui devait se passer. La réceptionniste qui nous a reçus n'a pas été surprise de voir deux hommes pour une chambre.
Comme une jeune fille vierge, j'ai vécu le martyr.
J'ai hurlé de douleur. C'était l'enfer sur terre. À chaque coup, je pensais à cette robe noire que je mettrais bientôt. C'était hallucinant. Il m'avait pourtant montré toute une gamme de lubrifiants de toutes marques, me rassurant que c'était juste pour quelques minutes.
Je suis sorti de cette chambre traumatisé. Je marchais à peine. Martin m'a remis 100.000 fcfa pour mon taxi, a t il dit.
Dans ma chambre minable, je n'ai pas pu m'asseoir car mon derrière était en feu. J'ai même fait bouillir de l'eau pour un bain de siège, mais rien. J'avais trop mal. Je croyais mourir. J'ai appelé Martin. Il m'a envoyé 50.000 fcfa en me demandant d'aller en pharmacie acheter un antalgique. Ça ira, m'a t il rassuré.
Je l'ai fait mais la douleur n'a pas disparue pour autant. Durant deux jours, je suis restée cloîtré dans ma chambre..Martin m'a appelé. Il voulait se rassurer que j'allais bien. Il m'a envoyé 200.000 fcfa pour certains besoins primaires. Je n'avais jamais eu tant d'argent en une seule fois. C'était immense.
Quatre jours plus tard, j'étais admis à la prestigieuse école. Martin m'a appelé pour me féliciter. Il voulait qu'on fête l'événement. Je n'ai pas pu lui dire non.
Je me suis retrouvé encore une fois avec lui dans une chambre sans savoir comment. Cette nuit était différente mais aussi douloureuse. Il m'a donné 300.000 fcfa pour m'acheter mes costumes et être prêt pour l'école.
C'est ainsi que je suis devenu l'amant entretenu d'un homme. Il prenait soin de moi. Intervenait à mes moindre désirs. Il m invitait même parfois chez lui en présence de sa femme et de ses enfants. Il disait que j'étais une relation de travail.
L'argent. J'en avais à profusion. J'en envoyais à ma pauvre mère au village qui croyait que j'avais depuis longtemps commencé un boulot après l'école.
J'ai appris que Paul était l'amant de Martin. Celui que je remplaçais. Il a commencé à me menacer. Il voulait que je quitte Martin car à cause de moi, celui ci l'avait oublié. Il m'a même menacé de mort.
Tout allait bien pour moi. À l'école, j'excellais comme d'habitude. J'avais promis tout arrêter à la fin de ma formation. Ce n'était pas aussi facile. J'étais plongé dedans jusqu'au cou. Je connaissais les hommes qui étaient dans notre cercle. Les hommes importants que je n'aurais jamais cru rencontrer. Ils étaient mariés , avaient des enfants.. Ils étaient des hommes responsables occupant des postes importants dans plusieurs ministères de la capitale.
J'ai été approché par plusieurs. L'un d'eux m'a même offert une voiture. Martin a piqué une crise de jalousie.
Il est entré dans une rage folle. Il voulait l'exclusivité. Il ne voulait me partager avec personne. J'étais sa propriété. Personne ne devait m 'avoir. Même les femmes, j'avais arrêté de draguer.
C'est arrivé une matinée. Nous étions en plein cours. J'ai senti une sensation de relâchement. Mon derrière était inondé. J'ai eu l'impression que je venais de me faire les selles dessus. Je suis resté figé de peur..l'odeur qui a commencé à dégager m'a fait couler des sueurs froides. Personne ne semblait s'occuper de moi. J'étais paralysé. Jusqu'à la fin du coup je n'ai pas bougé. Aussitôt l'enseignant sorti...je me suis rendu aux toilettes en courant. Ce que je craignais était là. Mon anus avait lâché. J'ai appelé Martin. Il m'a rassuré. Il m'a dit quel médecin je devais rencontrer. C'est lui qui s'occupait des clients de la loge. Il m'a prescrit des médicaments. Je devais porter les couches jetables.
La période la plus humiliante de ma vie. J'ai cru que j'avais atteint le fond.
Malgré tout le confort qui m'entourait je pleurais seul la nuit.
J'ai eu mon parchemin mais à quel prix ?
Ma famille venue m' acclamer était joyeuse. Ma mère croyait que j'étais retourné à l'école pour avoir un niveau supérieur. Elle est venue avec une jeune fille du village. C'était le comble.
Je lui ai dit que je n'étais pas prêt à me caser. Je devais d'abord construire ma vie. Grâce aux relations de Martin, j'ai été affecté en ville.
Mon problème d'anus n'avait jamais été résolu. Martin insistait toujours pour avoir des rapports. J'étais las de cette vie là.
Mais que devais je faire ? Comment retourner en arrière ? J'aimerais tant me concentrer sur mon activité de moto. Je n'en serais pas là aujourd'hui. Martin me donnait tout. Mais il m'a aussi tout pris. Il a pris ma vie, mon espoir, ma famille. J'étais devenu personne.
Mon sphincter anal avait lâché. Malgré toutes les sutures, rien ne fonctionnait. J'ai pris tous les médicaments. J'ai même été au bloc opératoire, mais rien..je devais utiliser un déodorant spécial pour chasser les odeurs.
J'étais pourtant bien mis. Personne ne pouvait imaginer à ma vue que j'étais une loufoque à l'intérieur. Les femmes me voulaient. Mon appartement meublé, high tech, tout cela ne me procurait plus aucun plaisir. Je voulais juste récupérer mon ancienne vie. Je suis retourné à l'église. J'ai parlé à un prêtre. Je me suis confessé. Je devais retourner . Mais il se faisait tard. Mon derrière avait déjà trop souffert.
Je suis entré en clinique 6 semaines plus tôt. Les médecins ont diagnostiqué un cancer du rectum en phase terminal..j'ai crié, tempêté.. J'ai appelé Martin, il ne répondait plus au téléphone, il m'avait déjà remplacé.
Ma mère est venue. Elle est restée à mes côtés..elle n'a jamais rien su. Je ne le voulais pas.
Il ne me reste plus que quelques jours à vivre. J'ai tenu a laisser un témoignage vibrant et amère sur ma vie.
Il est important de poursuivre son rêve, il est encore plus important de conserver ses valeurs morales et de ne pas s'égarer sur la voie des chimères. Sur l'autel d'un rêve, j'ai perdu ma personnalité.
Tout n'est que vanité. Pensez y lorsque vous désirez une chose à tous les prix !
Maintenant il ne se fait pas encore tard, demain peut-être ça le sera....

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